Questions pour un tunisien (et réponse de l'un d'entre eux)

Publié le par abou.nizar

Q1. Que représente la révolution tunisienne de 2010-2011 pour vous ? Que pourrait-elle apporter à la Tunisie ?

  1. Une preuve indiscutable que le pays était toujours uni, malgré tout les résidus régionalistes et le conflit générationnel et qu'il était doté d'une conscience secrète inouïe malgré sa démission politique et l'opacité des médias locaux. L'union fait la force, quand ce qui se pense tout bas se crie tout haut d'une seule voix et ce malgré les chamailleries post-révolutionnaires où tout le monde pense pouvoir refaire le monde et surtout savoir comment.

  2. Une opportunité à saisir pour faire du « bon élève de la banque mondiale » un lauréat fort de son diplôme et de sa réussite qui je pense sera majoritairement autodidacte, même si elle devra s'appuyer sur la reconnaissance de la suprématie scientifique de l'autre, quelque soit « ses valeurs ». Liberté dans notre monde est synonyme de contraintes, penser que ce qui est voulu localement sied parfaitement à ce qui est requis à l'échelle mondiale et une erreur. L'objectif est de coller à ces contraintes le plus possible et n'avoir de cesse de les repousser chaque jour d'avantage, en espérant un jour basculer vers un meilleur équilibre.

  3. Un modèle à suivre pour *tous* les pays du monde : à commencer par les moins développés, parce que c'est une condition sinequanone de leur développement (tous les autres pays arabes en tête et heureusement ils ne manquent pas à l'appel), en passant par les « élus » gâtés des entrailles de cette planète (les أخطى راسي واضرب)(*) parce que la destinée du globe concerne tout ses habitants et qu'on ne peut pas faire partie de l'élite qui spolie le reste du commun des mortels en rapatriant en masse leurs matières premières sans trop oser *réellement* intervenir dans leur misérable sort, en arrivant à ceux qui tiennent les gouvernes de l'ordre mondial et qui se prétendent défenseurs des droits de l'homme et qui de l'autre côté envoient leurs troupes bombarder des pays sur la base de fausses accusations (je pense aux USA avec l'Irak et je prie pour une révolution populaire aux états-unis à l'image de cet illustre peuple).

 

Q2. Quelles sont les réformes urgentes à entreprendre pour bâtir aujourd'hui la Tunisie voulue pour demain ?

Tout est à réformer et pour cause :

  1. La question du régime politique ou du système de gouvernance choisi pour le pays reste la première priorité. Il est clair et communément admis auprès de tous les tunisiens qu'il est hors de question de réitérer l'expérience du régime « présidentialiste ». Le problème avec ce régime historique en Tunisie c'est qu'il donne tous les pouvoirs (où presque) à une seule équipe : le cabinet présidentiel. Le choix d'un régime particulier ne doit pas se faire à l'aveuglette et dans l'empressement du changement, il faudrait plutôt méditer les expériences mondiales similaires et choisir celle qui pourrait s'acclimater sous le contexte tunisien. Je me rappelle qu'à l'aube de l'indépendance, des émissaires de Bourguiba parcouraient le monde à la recherche du « modèle parfait » ... aujourd'hui nous pouvons gagner du temps car nous vivons une époque nouvelle où le savoir circule plus librement, où ainsi nous parait-il :) Ceci constituera en partie le travail de la commission constituante, mais le concours de la société civile et la validation par le suffrage universel après une large campagne d'information sur réel objet du vote et son impact sur tout un chacun. Je pense qu'il ne serait pas impossible d'expliquer à travers des spots publicitaires ou des leçons ou débats vulgarisés expliquant la différence entre le régime actuel et le régime parlementaire (à titre d'exemple). Dans la dénonciation des dérives administrative (là où l'état empiète sur la collectivité) les commis du pouvoir exécutif devront prendre le lead. Certains par réaction à un système qu'il refusaient pertinemment, d'autres par pur besoin de recyclage socio-professionnel. Il faudra alors espérer que les ténors administratifs donneront l'exemple.

  2. Une pyramide tient sur sa base. Le peuple qui a dégagé Ben Ali devra se dégager lui-même de toute son empreinte et même de tout ce dont ce dernier fût innocent. Comme il est expressément demandé à l'état de s'en tenir à son rôle de gérant des affaires du peuple, le peuple devra s'engager à respecter ses instruments et ses établissements et y voir les clefs de son bien-être et de son confort. Le peuple qui s'est affranchi de la dictature devra aussi se souder encore d'avantage et s'empresser de corriger les complexes du passé. Des tabous régionalistes devront tomber : de quel droit une famille tunisoise rechignerait-elle encore aujourd'hui à s'allier à une famille de Sidi Bouzid, de Gafsa ou encore de Théla (et connaissant le sujet, la liste n'est pas exhaustive).

  3. Tout édifice tient sur ses pierres angulaires : dans le cas d'une société, c'est à l'élite intellectuelle de prendre le devant. Un logement et un travail décent pour tous, toutes régions confondues et pourquoi pas une redistribution géographique des capitales symboliques du pays, histoire de soulager quelques villes de la surpopulation et de brasser du monde dans des villes aujourd'hui devenues fantômes. Une refonte intelligente du système éducatif tout entier. L'intelligence revient à ne pas réinventer la roue : l'histoire du secteur et de ses réformes dans le pays suffisant largement à tirer les bonnes leçons. Ce système devra inculquer les vraies valeurs républicaines à notre jeunesse, il devra les sensibiliser à des sujets comme le soin du langage, le respect d'autrui et surtout les inciter à une lecture critique l'histoire et à apprendre de ses erreurs pour pouvoir défendre ses projets futurs. Voilà les vrais sujet d'un débat constructif et ce n'est nullement (et rien qu'à titre d'exemple) cette polémique mal-saine sur la laïcité qui ignore le caractère exceptionnel de l'expérience tunisienne et s'obstine à voir des problèmes partout, sauf là où ils existent vraiment, où plutôt là où ils sont prioritaires ...

 

(*) : la participation du Danemark dans l'embargo aérien actuel sur la Lybie à ce titre est très louable.

Publié dans Tunisia'Events

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